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 Psychiatrie & procès de sorcellerie...

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Arwen
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MessageSujet: Psychiatrie & procès de sorcellerie...   Psychiatrie & procès de sorcellerie... Icon_minitimeDim 6 Mai - 12:11

Psychiatrie & procès de sorcellerie...


texte publié sur :http://ourworld.compuserve.com/homepages/fineltain_ludwig/wier.htm

texte provenant du Bulletin de Psychiatrie, Numéro 7.1
par le Dr Fineltain Ludwig
Paris (France) le mercredi 4 août 1999
-modification N°11 du 22 août 1999-

La bilbiographie est disponible sur le site.

LA NAISSANCE DE LA PSYCHIATRIE A LA FAVEUR DES PROCES DE SORCELLERIE ET DE POSSESSION DIABOLIQUE

I-.1 INTRODUCTION
HISTOIRE DE L'EUROPE A LA FIN DU MOYEN AGE


La fin du Moyen Age constitue avec la Renaissance ce qu'il est convenu d'appeler le début de l'ère moderne des historiens. La Renaissance serait-elle une période intermédiaire entre l'obscurantisme médiéval présumé et l'irrésistible ascension de la civilisation industrielle?
Plantons le décor historique de cette période de 1450 à 1500. L'Espagne, pays pauvre, achève de se libérer de la domination musulmane. Elle devient brutalement une puissance mondiale en partageant avec le Portugal les richesses des Nouveaux Mondes. La découverte de l'Amérique, la mise au point de l'imprimerie et d'autres grandes inventions sont les grands moments du siècle tandis qu'à la même époque, en 1450, se produit le cataclysme de la Réforme.
Les concepts d'identité nationale et d'indépendance ont, à cette époque, fort peu de sens. Par contre existe une Europe homogène: un monde chrétien. L'universalité de la foi chrétienne est une composante majeure de l'Europe du Moyen Age. Le Moyen Age est une période de rétraction.
Les valeurs d'amour du prochain, la réflexion quant à la place et la mission de l'homme dans le monde, tout ceci définit une philosophie de la vie qui mérite une longue méditation.
La démonologie en contrepartie représente certainement un aspect mystérieux et négatif dans l'histoire de la pensée chrétienne.
Le Moyen Age est effectivement un long passage de mille ans entre le raffinement de la fin du monde antique et les précurseurs de la société technologique.
Nous pêchons cependant à cet égard par une forme d'anachronisme égocentrique d'homme du vingtième siècle. Le Moyen Age fut une tentative réussie de restructuration du monde occidental. Les fondements de cette société peuvent être ainsi résumés:
- Des liens unipersonnels en cascade de la féodalité.
- Une foi religieuse homogène et exigeante du catholicisme.
La Renaissance comme le Moyen Age fut également empreinte de bruits et de fureurs guerrières et religieuses. L'époque a sans doute permis de façonner l'honnête homme mais au prix de convulsions douloureuses et sanglantes.

REFORME, CONTRE REFORME ET CONCILE DE TRENTE

La chrétienté est bouleversée par la réforme luthérienne du début du seizième siècle (1519-1520) tandis que se met en place la contre réforme à la faveur du Concile de Trente. Les assauts de la Réforme furent considérables. L'Eglise catholique a certainement failli sombrer sous les attaques du protestantisme.
La religion chrétienne d'autre part n'avait pas fait disparaître tous les vestiges du paganisme.
La contre réforme est sans aucun doute la source principale de tous les crimes de la chasse aux sorcières. La vindicte de la religion dominante concerne tous les schismes, toutes les hérésies mais aussi le judaïsme. L'anti-judaïsme apparaît épisodiquement parmi les contentieux contre Satan. Mandrou décrit deux épisodes significatifs dans son ouvrage classique "Magistrats et sorciers". La présence à Paris, auprès de la Reine, d'astrologues et de magiciens venant d'Italie a fait jaser la Cour. Dans une Remontrance au Roi, en 1616, le Parlement de Paris évite le qualificatif de sorciers: il les dénonce comme "anabaptistes, Juifs, magiciens et empoisonneurs" et demande qu'ils soient poursuivis comme ennemis du "nom chrétien". Ils s'efforcent, dit la Remontrance, "d'établir une sinagogue en vostre ville de Paris, ce qui ne peut apporter que malédictions" (réf. A.N., U 936 f_31). D'autres persécutions, en Guyenne, se produisent encore en 1671! Dans la prison de la ville de Peyrehorade, un inculpé, Mr Jean Durussi, se plaint d'être victime de sortilège. Il est libéré "pour raison dudict sortilège". Rappelons qu'à Peyrehorade vivait une petite communauté juive. Puis ensuite un nouvel arrêt interdira la levée de fonds communautaires pour enquêter sur ces affaires de sortilèges.


II-1 ETAT DE LA MEDECINE A LA FIN DU MOYEN AGE
Vesale Le médecin contemporain aime à composer un tableau simplifié de la Renaissance. Il compare une scolastique stérile, une clinique intuitive et des emprunts à la démonologie d'une part et d'autre part une médecine scientifique et technicienne prémisse de la clinique moderne. Ainsi, dans nos traités modernes, fait-on pour ces raisons grand cas des anatomistes de l'époque comme Ambroise Paré Vésale et Laurentius. Ceux-ci ressemblent tant à nos anatomistes contemporains! Nous autres médecins du XXIème siècle préférons donc admirer les grands anatomistes de la Renaissance parce qu'ils apparaissent comme les vrais savants de ces temps lointains. Voyez la pléiade des anatomistes italiens, Fallope, Fabrice d'Acquapendente, Ingrassia, Varole. Michel Servet (1553), Colombo, Valverde (1558). Ils dessinent la petite circulation. Cesalpin regarde le coeur comme la pompe de répartition du sang.
Jean Fernel (1486-1557), médecin de Catherine de Médicis et de Henri Il, classe ainsi les maladies mentales
1. Maladies avec fièvre a) frénésie, atteinte directe du cerveau; b) parafrénésie, atteinte par sympathie, secondaire à une humeur générale âcre
2. Maladies sans fièvre: a) simples, secondaires aux jeûnes, aux pertes de sang et aux excès ; b) mélancoliques, soit triste, soit avec lycanthropie, soit avec excitation (manie);
3. Affaiblissement mental
a) amentia, perte de l'intelligence par intempérie froide, consécutive à une commotion ou bien de naissance;
b) états stuporeux, dus à l'abondance de pituite avec deux formes, cataphore (sommeil profond), léthargie (sans fièvre); mélancolie.Du Laurens c) catalepsie, immobilité sans sommeil. Fernel met à part l'hystérie et l'épilepsie. Il considère que les douleurs de tête viennent des méninges, les convulsions et les tremblements des ventricules. La mélancolie résulte de l'atteinte de la substance cérébrale. La mélancolie englobe non seulement les états dépressifs mais aussi les délires de persécution sans agitation ni fièvre.
Jacques Dubois dit Sylvius (1478-1555), maître puis adversaire de Vésale, est partisan de mesures de coercition à l'égard des malades. Sa thérapeutique est galénique. On traite par "les contraires": la frénésie est un érysipèle des méninges, il faut refroidir; l'épilepsie vient de la pituite, il faut dessécher.
Quant à la mélancolie, elle relève d'une stratégie de l'évacuation de l'atrabile: saignées, purges, vésicatoires.
L'Anglais Andrew Boorde (1490-1549), dans sa nosologie, nomme "démoniaques" les violents et les suicidaires.
Le Lorrain Nicolas Lepoîs (1527-1587) considère que chaque maladie mentale peut aboutir à un état furieux. Il distingue les degrés de perte de conscience: léthargie, carus, catalepsie et coma. L'Anglais Timothy Bright (1551-1617) écrit le premier ouvrage anglais sur la mélancolie en 1586. Il distingue une mélancolie provenant de l'appréhension et de la conscience du péché et celle qui vient du corps. La première doit être traitée par la parole, la seconde par la médecine. Guillanine Baillon (1538-1616), médecin du dauphin, décrit l'amour insane.

II.2 LA NAISSANCE D'UNE AUTHENTIQUE CLINIQUE PSYCHIATRIQUE: DEMONOLOGIE ET MEDECINE DE LA REFORME A LA CONTRE REFORME

Du Laurens ou Dulaurentius, médecin d'Henri IV (mort en 1609), décrit la furie d'amour et la traite par le travail: "Otez l'oisiveté, ôtez Bacchus et Cérès, sans doute Vénus se refroidira". L'Italien Mercuriale (1530-1606) voit dans l'excès de plaisir l'origine de la mélancolie.
Félix Platter (1536-1614), en Suisse, décrit quatre types de maladies mentales: imbecillitas ou faiblesse mentale, consternatio avec abolition des fonctions psychiques (épilepsie, apoplexie), alienatio on troubles mentaux proprement dits, defatigatio ou états de surexcitation. Jérôme Cardan (1501-1576) médecin et mathématicien décrit l'immoralité: les vecordes ou pervers malhonnêtes, les perfides qui sont malhonnêtes par accident, passion ou misère.
En Espagne, la psychiatrie au XVIe siècle est représentée par Christophoros de Vega, Francisco Valles et Luis Mercado.
Paracelse (1) (1493-1541) s'inspire de l'alchimie et de l'astrologie. L'épilepsie est du ressort de la profonde nature, le tonnerre et les séismes. Il découvre l'aura.
Le premières institutions psychiatriques apparaissent. La première d'entre elles est le manicome la "casa de orates" de Valence, le 24 février 1409/ Le Frère Juan Gilaberto Jofré fonde avec l'Ordre de Saint-Jean-de-Dieu des établissements en Espagne puis l'Hospice de la Charité en 1601 à Paris.

III-1- LES GRANDS TEXTES DEMONOLOGIQUES DES XVème ET XVIèmes SIECLES

Voici quelques dates significatives:
La publication du Malleus maleficarum ou Marteau des sorcières (1486) Henry Institoris (Kraemer), Jacob Sprenger et Henricus Institoris ou Kraemer, manuel du diagnostic de la démonologie, celle de Jean Wier "De praestigiis daemonum" (1567), un discours critique, érasmien, pour s'achever par une prise de distance de l'Eglise catholique. Elle manifeste alors un scepticisme plus rationaliste aux convulsionnaires de Loudun (Sainte Jeanne des Anges).
Jacques d'Autun: "L'incrédulité savante et la crédulité ignorante au sujet des magiciens et des sorciers"

III-2 GLOSSAIRE DE LA DEMONOLOGIE
TENTATION. OBSESSION ET POSSESSION
DE L'ENSORCELLEMENT AU PROCES


Les définitions et le lexique des termes de la démonologie: qu'entendent donc les savants de cette époque par sorciers et possédés?
Le postulat universel est la présence permanente du diable, ange déchu, chef d'une armée de semblables, soufflant le mal chez l'homme avec l'autorisation de Dieu.
Le sorcier est l'être humain ou inhumain qui pactise avec le diable en vue d'obtenir un avantage, de faire obtenir un avantage ou tout simplement de nuire à l'homme, c'est-à-dire essentiellement de le détourner de son salut.
La victime de ce sorcier est le possédé.
Il faut opposer: sorcier et magicien, possédé et obsédé.
Et pourquoi devenait-on sorcier ? Pour prendre ascendant sur autrui
Jean Wier oppose le sorcier qui est un être naïf et ignorant au magicien, être rusé et savant ; l'un incarne le démon, l'autre utilise la crédulité du public.
1.Tentation. Le diable nous pousse et nous précipite du côté où il nous voit pencher (Premier sermon sur les démons de BOSSUET). En fait, la tentation possède une définition biblique. Elle répond à représentation biblique de l'existence du démon (Ancien Testament).
2.Obsession. Les manifestations de la présence du démon sont les visions, les illusions et les hallucinations de la présence du démon, hâtivement qualifiées d'infestation démoniaque.
Purement interne, véhémente et durable, l'obsession est l'assaut du démon.
Dans un texte célèbre, quoique postérieur, "La défense de la vérité touchant la possession des religieuses de Louviers" - Recueil de pièces sur les possessions des religieuses de Louviers -4ème Pièce - Page 6 - Paragraphe 23, nous trouvons une définition tardive, en 1643, mais de grande valeur parce qu'elle est théologique: "La principale différence entre l'obsession et la possession consiste en ce que dans l'obsession le démon agit seulement sur les personnes obsédées quoique d'une manière extraordinaire, en leur apparaissant souvent et visiblement, en les frappant, en les troublant et en leur excitant des passions et des mouvements étranges, surpassant notablement la portée de leurs dispositions des facultés naturelles. Là où dans la possession, le démon dispose des facultés et des organes de la personne possédée pour produire non seulement en elle et par elle les actions que cette personne ne pourrait produire d'elle-même, au moins dans les circonstances où elle les produit".
En somme, une personne obsédée fait des songes extraordinaires tandis qu'une personne possédée fait des choses extraordinaires.
3.Possession
C'est la prise du pouvoir par le démon. Celui-ci se substitue à la victime, à son esprit, à sa voix elle-même. C'est l'intrusion brutale du démon dans le corps. Satan commande en despote et meut le sujet à la façon d'un automate.
Citation des textes d'Evreux 1643 - Pièces sur les Possédés de Louviers: "Dans l'obsession, le démon agit seulement sur les personnes obsédées en les troublant, là où dans la possession le démon dispose des facultés et des organes de la personne possédée." (elle fait des choses extraordinaires).
4.Les exorcistes. Actuellement encore un exorciste exerce dans chaque diocèse. Les moyens habituels sont la lecture lente et convaincue de textes religieux. Leur rôle était essentiellement néfaste. Ils entretenaient ce climat de superstition et de méfiance. Ils ont certainement suscité le développement de la démonopathie.
Voici par exemple des procédés de préservations de l'influence du démon: Les douze remèdes approuvés par l'Eglise, parmi lesquels, en premier lieu, la vraie et vive foi, mais aussi le recours aux Saints, l'exorcisme et les controverses magiques de Del Rio qui constituent des sortes de litanies.

III-5 LE PROCES DE SORCELLERIE

L'accusateur: le tribunal, les juridictions de l'époque, les tribunaux séculiers, le Parlement, les tribunaux ecclésiastiques
La sanction la plus grave consistait donc à être brûlé sur un bûcher après avoir été torturé.
Il faut noter que ces tribunaux, en particulier le Parlement de Paris, savaient reconnaître la démence lorsqu'elle présentait des caractères spectaculaires.
Les magistrats n'étaient dépendants ni des médecins ni des théologiens. Médecins, théologiens et magistrats échangeaient entre eux d'assez vives argumentations (Séminaire de Mandrou à l'Ecole des Hautes Etudes 1976-1977: "Etude des textes").
Le déroulement d'un procès de sorcellerie n'a pas un caractère univoque. La justice de l'ancien régime n'était pas moins complexe que celle de nos jours. De plus les diverses juridictions se faisaient une concurrence acharnée (on a souvent noté la passion procédurière de ces époques). Les petits délits relevaient de la Justice du Seigneur féodal ; les crimes des Parlements ; les affaires religieuses des tribunaux ecclésiastiques.
La sorcellerie longtemps négligée par l'Eglise (le CANON EPISCOPI ne veut voir dans ces affaires que des "illusions sensorielles"). D'abord abandonnée aux Tribunaux Civils elle fut récupérée par elle comme une manifestation d'hérésie sous l'influence de trois papes JEAN XXII, EUGENE IV et surtout INNOCENT VIII (Bulle "Summis Desiderantis Affectibus" 1484).
La concurrence entre les tribunaux pour juger les sorciers et surtout les exterminer va durer pratiquement deux siècles. Le pouvoir royal y prête activement son concours par l'entremise des Commissaires royaux, des Chambres ardentes et des Jésuites. Puis il décidera de déqualifier ou de requalifier les crimes de sorcelleries en distinguant nettement l'intention diabolique des délits proprement dits.


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DEROULEMENT DU PROCES

Le déroulement du procès était le même dans tous les cas. Une personne prévenue de sorcellerie était immédiatement arrêtée, portée de façon que les pieds ne touchent pas la terre) et enfermée dans un cachot. Pendant ce temps, les juges entendaient les témoins, quel que soit leur âge. Leur conviction une fois faite, les quatorze juges faisaient comparaître l'accusée et l'interrogeaient. Ils procédaient ensuite à deux "Expertises techniques"
1. -L'examen médical des "marques" par un chirurgien barbier
2. -La question.
Puis le sorcier était brûlé sur un bûcher et alors apparaissait parfois la preuve du caractère démoniaque: la fumée noire qui s'échappe du feu.

IV LES EXPERTISES IMPROBABLES

Parfois les tribunaux ecclésiastiques qui disposaient dans leur rang des médecins comme Jean Wier, qui était archiatre, demandaient des consultations à des experts, docteurs en médecine. Mais ceux-ci étaient en général bien incapables de répondre et, soit prudence, soit conviction, tout en décrivant la débilité et la folie, admettaient l'oeuvre du Démon. "Quant aux tempéraments, le Diable attaque de préférence les complexions mélancoliques et timides, qu'il sait plus capables de céder à ses prestiges et ses manoeuvres effrayantes. Il s'en prend moins souvent aux constitutions sanguines qui annoncent un coeur ferme et un esprit intrépide, de même qu'aux tempéraments bilieux qui s'effraient difficilement". JACOB HORSTIUS "De Aureo Dente" 1525

PORTRAIT JURIDIQUE D'UN SORCIER

Pour nous représenter ce que l'on entendait par "sorcier" au XVIe siècle, nous disposons des textes du temps. Ils sont de quatre ordres:
1)- Les minutes des procès de sorcellerie: mais si ces procès ont été nombreux, la matière "maléfique" de ceux-ci incitaient souvent les tribunaux à brûler ces minutes après l'exécution des condamnés.
2)- Les textes spécialisés en démonologie.
3)- Les déclarations des "sorciers" soit au cours des procès, mais on sait quel en était le sort, soit spontanément, mais il est peu probable que les "manifestes" de sorcelleries aient été authentiques. Le danger, le caractère ésotérique des cérémonies ne les poussaient pas sur la place publique.
4)- Enfin, discutable, mais intéressante, est la croyance populaire.
Qui est sorcier ? Comme nous avons fait une distinction parmi les diverses formes d'interventions démoniaques, tentation, obsession et possession, il nous faut aussi distinguer les infestés, les obsédés et les possédés. A cette première discrimination s'ajoute celle de la responsabilité personnelle. Les premiers sont des victimes du malin directement ou par l'intermédiaire d'un de ses séides.
Ces derniers se partagent en SORCIERS et MAGICIENS. La distinction importante jusqu'au XIVe siècle disparaît au XVIème car de toutes façons le danger paraissait identique. Jean WIER dit que les sorciers sont "ignares et illettrés", les magiciens sont "gents doctes et avisés, mais curieux lesquels font de longs voyages pour apprendre l'art magique".
Portrait du sorcier (en fait de la sorcière tant la proportion de femmes est supérieur)
1. Elle est de fort méchant caractère et elle a des raisons pour cela parce qu'elle est vieille laide, difforme, stupide, pauvre, ruinée, dépouillée, cocue, envieuse et enfin ambitieuse.
2. Elle est sale. "le Diable défend de nous laver le matin" dit une sorcière (Mugeta).
3. Elle pue. Cette odeur est à la fois sui generis provenant selon Gorres d'une huile animale qui "s'engendre au fond de l'organisme au milieu des ardeurs impures qui les consument". Mystiques T.V. pp 181-2. Cette odeur est encore un compost de jusquiame, de datura, de sueur de cadavre et également due à un onguent. L'onguent évoqué par PARE, WIER et DE NYNAULD reste de composition inconnue. Aux éléments évoqués plus haut s'ajoutaient probablement l'axonge, l'hellébore et la graine de tournesol ainsi que le haschisch et le pavot (utilisé par les sorcières de Macbeth). On connaît par exemple la composition de "l'onguent populeum". La base est celle-ci: suc des feuilles et des branches de peuplier plus précisément une pommade composée de bourgeons de peuplier, de feuilles de jusquiame, de morelle noire, de pavot, d'axonge et d'alcool fort. Les médecins de l'époque définissaient très précisément la composition de ces onguents: J. de NINAULD, dans "De la lycanthropie, Transformation et Extase des sorciers" Paris 1615, en distingue trois variétés:
a) L'onguent qui donne l'illusion momentanée d'une métamorphose animale
b) L'onguent qui fait croire aux sorcières qu'elles vont au sabbat, mais qui agit uniquement sur l'imagination
c) L'onguent qui permet un transport véritable au sabbat autant que Dieu le permet.
De même WIER se moque-t-il des démonologues qui ne pouvaient se contenter d'observer de simples mélanges d'herbes et prétendaient y voir des ragoûts d'enfants.
Pierre de Lancre, dans "Tableau de l'Inconstance": "Il est évident que sorciers et sorcières pourraient s'envoler sans le moindre onguent. Mais Satan ajoute par méchanceté superflue, pour donner volonté et moyen aux sorcières de tuer force enfants, leur persuadant que sans cet onguent il n'est possible qu'elles se transportent au sabbat. Et veut qu'il soit composé de chairs d'enfants non baptisés afin que ces enfants innocents étant privés de vie par ces méchantes sorcières, ces pauvres petites âmes demeurent privées de la gloire du paradis".
Notons que les perquisitions domiciliaires effectuées n'aboutissaient qu'à la découverte d'épices, de drogues et d'herbes séchées.
4. Il est laid et il est difforme: "De la mauvaise physionomie d'un homme on peut tirer un indice contre lui suffisant pour l'appliquer à la question". Henri Boguet ou Bocquet Instruction art.35
Mais si les médecins du XVIème siècle, comme JEROME CARDAN ou JEAN WIER, savaient reconnaître la misère physiologique et mentale des accusées: "Pâles, défaites, folles et abruties, mélancoliques et radoteuses", les démonologues voyaient dans ces misères une certitude supplémentaire: "Cette femme dont le nom (elle se nommait Nécato) indiquait déjà les habitudes avait renoncé en quelque sorte à son sexe pour prendre la nature d'un homme ou plutôt d'un hermaphrodite. Elle avait en effet l'expression, le langage et le maintien d'un homme et encore d'un homme rude, d'un sauvage qui n'est jamais sorti de ses forêts. Elle avait de la barbe comme un satyre, des yeux petits profondément enfoncés dans leur orbite avec l'expression de férocité d'un chat sauvage étincelant et si terrible que les enfants et les jeunes filles qu'elle avait emmenées au sabbat et que nous confrontions avec elle ne pouvaient supporter son regard quoique par égard pour nous elle se donna toutes les peines du monde pour en adoucir la dureté naturelle. On croyait, en la regardant, reconnaître qu'elle était accoutumée à regarder cet objet épouvantable auquel elle avait emprunté la hideuse expression de ses traits". (Pierre de Lancre "De l'Incrédulité").
5. Il ou elle présente des perversions sexuelles comme la nymphomanie, le tribadisme, l'impuissance, la pédérastie, la bestialité ou bien des anomalies de morphologie sexuelle comme la monorchidie ou la cryptorchidie.
6. Il possède beaucoup d'animaux et chats noirs, mais aussi belettes, hérissons, serpents et crapauds. Rappelons que le jour de la Saint Jean, les rois mettaient le feu à des sacs contenant des chats.
7. Il a des marques. La recherche de ces marques donnaient lieu à des expertises médico-légales minutieuses. Certains étaient des spécialistes comme Jacques FONTAINE conseiller et médecin ordinaire du roi: "La flétrissure est indispensable et signe patent de sorcellerie, elle doit entraîner la peine capitale". Discours des marques des sorciers. Paris 1611. Quelles marques? Il était nécessaire de distinguer les marques diaboliques de leurs imitations morbides ou naturelles. Le médecin intervenait à ce niveau de l'expertise: "Je n'ai jamais vu aucune de ces marques, mais il n'y a pas de doute que le chirurgien est capable de dire en les voyant si elles sont ou non magiques". COTTON MATHER.
On pouvait voir trois sortes de marques:
1. Des défects: cheveux, poils, doigts, sang offerts au Démon.
2. Des cicatrices: à tous les endroits du corps: front, entre les deux sourcils, épaule, lèvre supérieure, sous les paupières, ou bien sous la langue, au nombril, au pourtour de l'anus, voire sur les viscères et les organes génitaux. Des autopsies étaient parfois demandées.
3. Des plaques d'anesthésie recherchées à l'aide d'un poinçon enfoncé profondément sur toutes les parties du corps.


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LES MEDECINS ET LA DEMONOLOGIE

On peut schématiquement opposer deux groupes de médecins.
Les plus nombreux admettent l'oeuvre du démon. Ils reconnaissent la possibilité de mutations diaboliques de la lycanthropie. Ils approuvent la crémation des coupables. Parmi ceux ci, Paracelse dans son "De Natura", Ambroise Paré, en 1632 dans son livre "Des Monstres et Prodiges". L'impuissance masculine peut être l'oeuvre du démon. Il y décrit la lycanthropie. Un autre ouvrage du même style, "Sodomistes et athéistes" témoigne de la force de sa conviction. Bodin, juriste de son état, publie en 1580 un ouvrage qui eut un grand retentissement: "La démonomanie des sorciers traité ou la sorcellerie et réquisitoire contre les sorciers". Ce livre est d'une grande érudition: il se donne pour objectif la poursuite implacable des coupables. L'auteur de cet article, votre serviteur, estime qu'il existe encore des Bodin en cette fin du 20ème siècle! D'autres auteurs moins connus ont traité du problème: Witekind, Peucer (Des divinations), Borel médecin et chimiste en 1674. et Jacob Horstius, en 1525, dans le "De Aureo Dente", texte célèbre, où l'on peut lire: "Quant aux tempéraments, le diable s'attaque de préférence aux complexions mélancoliques et timides".
Le groupe des sceptiques est peu nombreux. Ils ont des ennemis en particulier Ambroise Paré. Ils sont qualifiés d'Amis des Sorciers. Parmi ceux-ci, Rapin, en 1661, fut témoin des phénomènes de possession d'Aumone et conclut "Nihil a demone pauca a morbo multa ficta". On compte enfin parmi ceux-ci les deux auteurs suivants qui nous intriguent le plus. Paulus Zacchias, médecin du pape, auteur du célèbre "Quaestio medico-legales" en 1651 et surtout Jean Wier. Nous examinons à diverses reprises le quatrième chapitre de son ouvrage "Praestigiis daemonum" paru en 1564
Le rôle des médecins, dans ces affaires de sorcellerie, est très effacé. Ils sont parfois appelés à se prononcer mais cela n'est pas systématique. Les médecins se sont prononcés sur le cas de François Rubat atteint d'un "état de fureur" en 1657. Les experts de la ville de Mâcon l'ont examiné pendant 6 mois, l'ont traité et ont accepté les causes surnaturelles. Ils ont conclu: "ou divines ou diaboliques ou magiques".

LES MEDECINS DU MOYEN AGE CONNAISSAIENT-ILS LA PSYCHIATRIE?

Fort peu! On trouve, cependant, des descriptions de maladies mentales chez Isidore de Séville au 14ème siècle dans le "Grand Coutumier" de Normandie ainsi que chez Henri de Bracton dans "De legibus et consuetudinus anglie" (réédition 1883). Les classifications y apparaissent variables, hésitantes et très limitées. Une multiplicité de dénomination témoigne de l'incertitude dans laquelle se trouvait les médecins de l'époque au regard des troubles mentaux. On retrouve le plus souvent les termes suivants:
Phrénitis et frénésie
Melancholia
Mania
Mais encore:
fatus, stultus
mente captus,
furiosis pour l'agitation,
amens et demens chez Isidore de Séville,
idiotes
et lunatici chez Paracelse
autant de termes qui circonscrivent les grandes catégories de troubles du comportement, beaucoup plus que le contenu des troubles mentaux.
Ces termes aboutissent, semble-t-il, à une triple catégorisation:
1. L'agitation excitation psychique
2. La dépression mélancolique
3. La débilité mentale.
Passons maintenant des procès de sorcellerie aux descriptions des personnages que nous ont laissées les médecins de cette époque. Nous verrons que la clinique psychiatrique apparaît avec quelque richesse à la faveur des observations de possédés et de sorciers.

PORTRAITS DE MEDECINS ET DE JURISTES

(Zacchias, Du Laurens et Zacchias)
Paulus Zacchias Du Laurent
Voici les portraits de quelques deux médecins de cette époque, Paulus Zacchias, médecin du Pape, Jean Wier élève d'Agripa et Du Laurens.
Paul Zacchias, médecin italien, naît à Rome en 1584 et meurt en 1659. Très admiré, médecin du Pape Innocent X, médecin des Etats pontificaux (Rotae Romanae), il publia des ouvrages considérés comme des classiques parmi lesquels nous citerons:
1. Dei mali hypocondria celebrite
2. In vito quara
3. Quaestiones medico-legales. Amsterdam 1651 in folio.
Dans ce dernier livre, le plus important de toute son oeuvre, Zacchias s'est occupé des questions de médecine légale. Il traite toutes les questions qui concernent la grossesse, l'avortement, les morts non naturelles, l'empoisonnement, le suicide, les assassinats. Il y décrit aussi la folie, la folie réelle et les folies simulées, la démonomanie, les sortilèges, les prestiges, les maléfices et autres pratiques analogues. Son érudition est reconnue comme médecin expert en justice criminelle, mais encore comme théologien. Cet ouvrage n'a pas encore été traduit du latin, du moins à ma connaissance. Il constitue une source où l'on peut puiser tout à la fois des éléments d'une psychiatrie avant la lettre et des controverses à propos de la démonomanie.
Les origines de la psychiatrie, comme discipline médicale, sont donc inséparables des études et des expertises relatives aux procès de sorcellerie. Jean Wier

Jean WIER nous fournit l'essentiel de notre documentation. Jean WIER, médecin des Pays-Bas, dont le vrai nom était Weiher naît à Grave, sur la Meuse, en 1515 et meurt en 1588. Il est donc l'aîné de Zacchias. Le célèbre Cornelius Agripa, de Nettersheim, s'est chargé de sa formation. Agripa mourut en 1535. Wier avait 20 ans. Il se rendit en France pour étudier la médecine. Il fit plusieurs voyages surprenants: d'abord en Afrique, puis dans le Royaume de Tunis et enfin dans plusieurs contrées de l'Orient où il étudia les prouesses des magiciens et des sorciers. Il revint en Allemagne par l'île de Candie ou Kandy. C'est au retour de ce voyage qu'il publia son livre "De praestigiis daemonum" à Bâle en 1564. Très vite considéré comme l'ami des sorciers il ne manqua pas d'exciter contre lui la haine du clergé. La protection du Duc Guillaume, seigneur de Clèves, Juliers et Berg, esprit éclairé, protégea Wier des persécutions imminentes dirigées contre lui. Wier rend compte de l'injustice des supplices infligés à des malheureuses femmes accusées de sorcellerie.
Wier a également écrit des textes sur la fièvre, l'hydropisie, l'occlusion du col de l'utérus. Il a inventé une sorte de spéculum qu'il nomme "specilum" et dont il a laissé la description et le dessin. Il a, le premier, ponctionné les ascites! Il a étudié des dermatoses et la syphilis dans un livre intitulé "De morbo gallico"
Je vous propose une étude de son texte fameux "Des illusions et impostures des diables" pour mettre en lumière la position des "amis des sorciers". Voici le texte de Jean Wier extrait de "De Prestigiis Daemonum et Incantationibus ac Beneficiis". Dans le quatrième livre des "Histoires, disputes et discours" de Jean Wier ou Johannus Weyer, on trouve d'excellentes descriptions d'ensorcelées et de démoniaques. Cet ouvrage fameux ramasse en une somme un grand nombre de controverses qui opposaient donc Wier et son maître Agripa à toute une génération de médecins et de juristes, tels que Bodin qui approuvent la crémation, autant dire l'assassinat, des démoniaques. Rappelons à ce sujet que Bodin n'était pas un médecin mais un juriste.
L'ouvrage paraît en 1560, 1564 et 1567 avec, pour sous-titre: "Des illusions et impostures des diables, des magiciens infâmes, sorciers et empoisonneurs des ensorcelés et démoniaques et de la guérison d'iceux: item de la punition que méritent les magiciens, les empoisonneurs et les sorcières".
L'auteur possédait, sans doute, un courage exceptionnel pour publier cet ouvrage. Il ajoute à la plus grande érudition une verve savoureuse qui rappelle un peu Rabelais dans certains passages. Je soulignerai surtout la concision et la qualité des descriptions cliniques. Quelques phrases précises permettent de décrire une séméiologie et une situation en quatre à dix lignes. L'origine naturelle des faits prétendument démoniaques et le rôle possible de Satan est alors suggéré en une phrase. La rationalisation n'est guère pesante et le plus souvent l'analyse se déploie au niveau du bon sens (cf "l'explication des anorexies et vomissements des matières les plus rudes").
Voici donc quelques extraits du Livre IV. Ces cas demandent aujourd'hui une explication essentiellement psychiatrique et psychanalytique des simulations et des crises hystériques. Des phénomènes hallucinatoires de la psychose hallucinatoire chronique apparaissent également mais finalement les psychoses délirantes ne sont pas aussi fréquentes qu'on pourrait l'imaginer.
Nous reviendrons sur l'apport spécifique de Jean Wier. Il conteste l'origine satanique des maladies de possession (de ceux qu'on croit atteints par les maléfices des sorcières). "Ces pauvres possédés et ensorcellés sont des victimes de leur imagination avivée par des tourments".


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MessageSujet: Re: Psychiatrie & procès de sorcellerie...   Psychiatrie & procès de sorcellerie... Icon_minitimeDim 6 Mai - 12:13

V- LE FLORILEGE DES CITATIONS DU "DE PRESTIGIIS DAEMONUM"

Page 486 et sq
Dans son 4ème Livre "auquel il est traité de ceux que l'on pense avoir été ensorcelés par les sorcières.
Page 501
Histoire mémorable d'une fille démoniaque, laquelle on disait être tourmentée par les sorcières
On s'aperçut qu'elle voulait vomir. "En sa bouche, au même instant que je commencay d'y ietter un oeil, j'aperceu un morceau de gros drap noir, lequel estait dessus la langue et sur lequel je mis incontinent la main. Mais afin que Satan laissast quelque opinion aux assistants que ce drap en estait sorti, il feignit une petite voix puérile non naturelle et comme inarticulée, par laquelle il sembloit que la fille dist que ce qu'elle avait jetté luy semblait amer".
Page 502
"Davantage ce malheureux bourreau avait peu auparavant excité un horrible et tragique spectacle, qui avait duré quelque temps en cette pauvre fille, et durant lequel nous apercevions sa bouche être tellement fermée qu'elle demeurait comme muette: l'on voyait aussi ses mains fermées estroitement, ses yeux tournez de costé, bref tout son corps estre misérablement affligé par un tremblement estrange.
Description de vomissements, mutisme et crises hystériques.
Pages 436-437
Chapitre XXX: Il advient quelque fois que même les preudes-femmes sont trompées par l'illusion des cauchemars ou incubes: ensemble un ridicule exemple de l'adultère d'un diable.
Pourquoi nous conclurons avec Iamblique que tout ce que les ensorcelez imaginent n'a autre vérité en action et en nature que les imaginations.
Chapitre XXXI: Que toutes les histoires sont fausses, pour lesquelles on pense prouver la copulation charnelle des diables.
Pages 440
"Incontinent du fond de la navire, il entendit la voix d'une vieille, qui s'accusait piteusement que, à cette même heure, elle avait eu affaire à un Incube en forme d'homme, ainsi comme dès plusieurs années auparavant elle avait de coustume: elle le priait aussi que puis qu'elle était cause d'un si grand mal, elle fust incontinent jettée en mer, et qu'ainsi des autres demeureraient sauvés par la miséricorde de Dieu.
Les délires de possession sexuelle, les hallucinations coenesthésiques, les jouissances fantasmées sont très classiques au cours des psychoses hallucinatoires chroniques.
"Si ceci est vray, cette femme peut bien avoir eu un Incube imaginaire en dormant" Dans cette phrase éloquente réside la théorie du phantasme que la psychanalyse a développée avec bonheur. Les phantasmes du rêve deviennent ici phantasmes délirants et hallucinatoires de la vieille. Ceci est en effet d'une observation si courante dans les psychoses délirantes chroniques, les psychoses hallucinatoires chroniques et la paranoïa des gouvernantes des auteurs classiques que je n'y y insisterai pas plus. Je vous demande seulement d'observer comment cette patiente développe une très forte culpabilité et il a fallu une circonstance particulièrement grave pour qu'elle exprime l'idée délirante. Ces patientes, très souvent, mènent une double existence: une adaptation excellente à la vie quotidienne d'une part, et un jardin secret délirant d'autre part, qui peut fort bien ne jamais être développé devant un tiers. C'est la paraphrénisation des délires.
page 539
"Histoire des religieuses de couvent de Nazareth à Cologne, lesquelles furent affligées par le diable. Après qu'elles eurent esté par plusieurs années affligées, géhennes et tempestées diversement et en plusieurs sortes par le diable, elles le furent encore plus prodigieusement et horriblement l'an mil cinq cent soixante et quatre, lors qu'entre un estrange spectacle, apparu souvent par une manière prodigieuse, elles estayent renversées par terre, le ventre en haut et rebussées comme pour avoir compagnie d'homme, pendant lequel acte tenoyent les yeux fermez, qu'elles ouvroyent après avec une grande honte, et comme si elles eussent enduré une grande peine".
Ici lisons-nous une fort bonne description de la crise hystérique simulant un rapport amoureux.
"Et aussi cette peste gaigna petit à petit et tout plus s'augmenta, lors que ces pauvres affligées commencèrent à avoir recours aux remèdes illégitimes". Or le commencement de toute cette calamité procédait de quelques jeunes hommes desbauchez, qui après avoir pris accointances, par un ieu de paulme prochain de là, avec une ou deux religieuses estayent depuis montez par dessus les murailles et avayent jouy de leurs amours. Mais depuis ayants desisté à cause que les moyens leur en furent ostez le diable cauteleux ouvrier gesta la phantasie de ces misérables et leur représenta souvent (comprenez que le diable substitua à la réalité les phantasmes de la présence masculine et de l'assouvissement sexuel) les semblances de leurs paillards et manifesta aux yeux d'un chacun l'ignominieuse vilenie de ces mouvements vénériens.

VI- DISCUSSION
L'OEUVRE MEDICALE DES AMIS DES SORCIERS


Jean Wier et Zacchias élaborent donc effectivement une clinique psychiatrique que je qualifierais de protopsychiatrique. On y décèle des simulateurs, des hystériques et des hallucinés systématiques.
Wier expose que les filles démoniaques que l'on dit être tourmentées par des sorcières sont en réalité des simulatrices ou de pauvres malheureuses délirantes. L'action principale est l'imagination des victimes. La copulation des diables est inexistante: il faut incriminer seulement un incube imaginaire en dormant. Relisons le célèbre paragraphe de Wier: "Le diable cauteleux ouvrier gesta le phantasme de ces misérables et leur représenta souvent les semblances de leurs paillards et manifesta aux yeux d'un chacun l'ignominieuse vilenie de ces mouvements vénériens". Il décrit le rapport amoureux par la "phantasie" de ces misérables c'est-à-dire le désir de rendre présents les paillards. Wier développe une argumentation qui nous est familière: la satisfaction par le fantasme et la gratification imaginaire par des représentations qui peuvent induire l'illusion d'une diablerie. Cette brillante démonstration n'est pas généralisée. L'auteur fait souvent preuve d'ambiguïté dans ses diverses analyses. Le diable intervient afin de trahir ses propres impostures. Celui-ci agit généralement pour compromettre des femmes fort honnêtes. Il fait croire qu'elles sont ensorcelées alors qu'en réalité elles sont victimes des événements.
Jean Wier développe son argumentation précisément au niveau de ce "faire croire". Wier ne veut pas ou ne peut pas faire l'économie du diable. Sans doute les temps n'étaient pas encore venus pour cela.
L'étude des cas cliniques attestés par les textes est parfois possible. Parfois peut-on s'autoriser de rapprocher les troubles des ensorcelées avec de véritables crises hystériques. On repère quelques fois des délires et des hallucinations spécifiques des psychoses hallucinatoires chroniques ainsi que de certaines formes de schizophrènies paranoïdes chez qui, fréquemment, s'observent des hallucinations génitales voluptueuses. Mais la plupart des cas cliniques d'ensorcellement requièrent aujourd'hui une explication psychanalytique. On y repère très peu de séméiologie psychiatrique des psychoses, mais essentiellement des simulations, des crises hystériques et des syndromes borderline beaucoup plus souvent que des phénomènes hallucinatoires ou délirants des psychoses.

LA METAPHORE DU DIABLE: L'OEUVRE AMBIGUE DE SATAN

Le diable apparaît donc dans la genèse du trouble et il fonctionne à deux niveaux: comme générateur du phantasme et comme déclencheur du passage-à-l'acte
Revenons au texte: "Pour certain la cause de ce maléfice fut la trop grande melancholie procédante pour, laquelle Satan, désireux de tromper et perdre cette pauvre créature, empoigna incontinent. La cause première des tourments des ensorcelées et démoniaques est la mélancholie, la tristesse, la frustration ou toute autre forme d'émotions vives. La cause seconde est l'usage qu'en fait le diable. Il se sert de la cause et des tourments pour donner l'illusion du caractère démoniaque, du comportement de la victime."
Jean Wier ne peut donc tout expliquer par le pouvoir de l'imagination ou de la mélancolie procédante d'amour.

Le concept de satanisme peut-il être comparé au concept opératoire de boite noire? Sans doute faut-il donner au concept de satanisme un sens plus riche que le seul sens religieux.
Le diable jouait pour certains médecins de la Renaissance ce rôle d'énergie mystérieuse dans le développement des troubles. Ainsi disposaient-ils d'un concept explicatif syncrétique et flou qui permettait d'attendre et d'espérer l'avènement de nouvelles théories explicatives.


ROLE DE LA CROYANCE AU DIABLE

Les auteurs croient-ils au rôle du diable ? C'est possible, mais ils semblent lui donner une valeur d'hypothèse invérifiable. Les poursuites juridiques et théologiques contre les sorciers et les ensorcelés leur paraissent contestables. Jean Wier croit-il personnellement à l'existence du diable? Il s'efforce de concilier l'hypothèse du trouble psychique et de la diablerie. Le diable joue ici le rôle de cette boite noire si souvent invoquée en physique. Si le trouble trouve bien son origine dans le corps même de la victime, une force mal connue lui donne plus d'intensité. Une force utilise le symptôme pour donner le change. Bref, le trouble existe sur un mode mineur mais il est majoré par le diable. Celui-ci fonctionne comme une source d'énergie. Wier conteste l'origine satanique des maladies de possession, "de ceux qu'on croit atteints par les maléfices des sorcières. Ces pauvres possédées et ensorcelées sont des victimes de leur imagination avivée par des tourments".
Jean Wier croit cependant à l'existence du diable. Il essaie de concilier l'hypothèse du trouble psychique et de la diablerie. Le diable ici joue le rôle de la boite noire si souvent invoquée en physique. Si le trouble trouve bien son origine dans le corps même de la victime, une force mal connue lui donne plus d'intensité, l'utilise pour donner le change et s'ingénie à susciter la répression. Bref, le trouble existe sur un mode mineur mais il est majoré par le diable. Satan fonctionne comme une source d'énergie. Observons avec Axenfeld: "On ne naît pas impunément au XVIème siècle, et qu'à moins d'une vigueur d'esprit bien rare, on ne rejette pas d'une seule secousse le joug de la superstition commune

CONCLUSION

La sorcière était l'emblême de tous les malheurs du temps. Les origines de la psychiatrie, comme discipline médicale, sont donc inséparables des études et des expertises relatives aux procès de sorcellerie. Voici comment nous glissons insensiblement des procès de sorcellerie et de la possession diabolique à la clinique psychiatrique. Une certaine psychiatrie naît des observations et des expertises. Mais quelle étrange naissance! Les médecins n'auront pas été au chevet des patients mais hélas tout près du chevalet de torture. La clinique psychiatrique est née au quinzième siècle parmi les magistrats, les prêtres et les médecins accusateurs ou défenseurs des sorcières.
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